Mayotte, passe-le-temps

La saison des pluies approche à petits pas et il faut bien occuper les week-end pluvieux. Pour les sorties cinéma c'est loupé, l'unique salle de Mayotte est fermée depuis bien longtemps, et les élus ne sont visiblement pas passionnés par la question de la réouverture. De toutes façons les jeunes semblent éprouver plus d'intérêt pour la balistique en s'exerçant aux jets de "galets". Les associations arrivent malgré tout à organiser quelques activités. Pour les rasssemblements sportifs du week-end, très peu d'infrastructure, pas d'organisation et combat sans fin des dirigeants, souvent bénévoles, pour trouver des crédits. Les rencontres sportives tournent encore trop souvent aux rivalités de villages. Quelques (rares) manifestations culturelles sont parfois organisées, sans grande publicité.
A Mayotte, où l'idée du tourisme pénètre lentement les esprits, l'art local est difficile à dénicher, même s'il existe quelques boutiques spécialisées. Sur les marchés, la priorité reste l’alimentaire. On peut trouver des objets en bois, bambous ou en graines, du tissage de raphia, en particulier à Sada. Pour trouver du cuir, ceinture ou chapeau, il vaut mieux faire un saut à Madagascar. Sur l'île hippocampe la peau grillée du zébus entre dans la recette du xxxxxx et est consommée.
Privés de sorties lagon les M'zungus (lire: M(ou)zoungou(s)) se tournent vers des activités ludiques comme la peinture, le petit artisanat...
Pour passer le week-end, voici donc une petite idée pour transformer des pains de singes avec un peu d'imagination et quelques graines glanées lors des balades.

L'album

Les baobabs poussent dans le sud de l'île de Mayotte. Le fruit ovoïde est une coque dure remplie de graines. En Afrique la pulpe est utilisée pour faire un jus. On trouve des confitures dans quelques boutiques de Mayotte.

L'album

Nous complétons notre récolte de graines avec le fruit du Takamaka qui donne des boules de petite dimension, parfaites pour faire des colliers, ou des yeux ! L'arbre est reconnaissable aux entailles que porte son tronc. La sève est utilisée par les Mahoraises comme crème épilatoire. Il pousse dans la forêt basse et à l'arrière des plages.

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La bouche, lèvres comprises est réalisée avec le fruit allongé du bois lait, thevetia peruviana, un arbuste qui ressemble au laurier rose. Il est planté en arbre d'ornement. Attention, la graine est toxique.

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Le nez est constitué par un demi fruit, en forme de poire, du palmier à natte. L'hyphaene coriaca pousse dans les zones sèches de Mayotte. Au cœur du fruit, la pulpe, lorsqu'elle a durci est appelée ivoire végétal. Elle peut être travaillée pour faire des colliers ou de petits objets (pratique tombée en désuétude, ou ignorée)

L'album

Pour les oreilles, j'ai opté pour l’œil de bœuf. La graine se cache dans la gousse du haricot géant de la liane entada rheedei. Les jeunes vendent les gousses aux touristes.

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Une fois les graines choisies, il reste à faire l'assemblage. La première opération consiste à décalotter le haut du fruit du baobab au trois quart. La plus grande partie servira de pot (ou cache pot) et la calotte de support pour stabiliser le tout. Le fruit est ensuite vidé de ses graines, de la pulpe sèche et... des charançons.
La coque peut être poncée pour ôter les petits poils qui la couvre.
Il faut ensuite tracer et percer les emplacements pour sertir et coller par l’intérieur les yeux, les oreilles et la bouche . Le nez peut être collé sur la coque du fruit.

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On perce un rond de 5 ou 6 cm de diamètre au centre de la calotte pour laisser passer le cul du pot et on colle avec du joint colle. Le pot est ensuite rempli avec du terreau. Il nous reste à choisir le style de coiffure du personnage. La touffe feuillue d'un ananas fera l'affaire et restera verte avec un minimum d'arrosage, (n'attendez pas de fruit). On peut aussi semer ou repiquer de petits plants.
Ne cherchez pas du cannabis sur la tête du rastaqouère...

Ce passe-temps nécessite un minimum d'outillage, une mini perceuse, une scie, un peu de papier de verre, du joint/colle et, j'ai failli l'oublier la vieille serpillière "espagnole".
En laissant libre cours à son imagination, le résultat est ... "mignon"

Pour ceux qui n'aimeraient pas mon entrée en matière, à l'heure ou je publie cet article les bouenis de Koungou ont monté un barrage pour protester contre le caillassage des élèves de Koungou par ceux de Kawéni (et vice versa). La gendarmerie est à poste, elle observe. Les automobilistes, comme il se doit, planquent leur véhicule pour éviter les dégats et c'est à pieds qu'ils finissent le chemin vers la maison, à moins de trouver une âme charitable de l'autre côté du barrage. D'ailleurs ma boueni à moi je vais la chercher de ce pas !